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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 08 : 51 Sujet du message: Sagesse et grande folie 2 |
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Episode 1 : le projet de naissance
(si ça peut donner des idées...)
Depuis la naissance de notre fille aînée en mai 2004 (déclenchement par perfusion pour fissure de plus de 24h, ventouse, épisiotomie difficile à cicatriser, difficultés au démarrage de l’allaitement…), nous nous sommes informés et avons réfléchi à ce que nous souhaitons vraiment pour la prochaine naissance que nous allons vivre.
Ainsi, pour commencer, avons-nous choisi un suivi de la grossesse et une préparation par une sage-femme libérale qui nous offre un accompagnement à la fois sérieux, moins mais suffisamment médicalisé et respectueux de nos attentes et de notre intimité (corporelle et de couple).
A présent, nous voulons faire part à l’équipe de la maternité de nos souhaits pour les moments qui vont entourer la naissance de notre deuxième enfant afin d’en discuter ensemble.
Pendant le travail :
je souhaite pouvoir bouger autant que et de la façon qui me conviendra, dans mes propres vêtements, et ce jusqu’à la naissance ;
je voudrais qu’on effectue le moins possible de touchers vaginaux, avec mon accord et par la même personne à chaque fois, et la strict nécessaire en terme de surveillance monitorée (voire s’en passer) ;
je ne veux pas de pose de perfusion (je préfère une voie veineuse au cas où), ni de rupture artificielle de la poche des eaux ;
je veux pouvoir m’alimenter et boire si j’en ressens le besoin ;
je souhaite qu’il y ait autour de moi le moins d’intervenants possible (l’idéal étant limité à mon conjoint et la sage-femme) et que chacun frappe pour obtenir notre autorisation à entrer dans la salle ;
j’aimerais aller le plus loin qu’il me sera possible sans péridurale en étant accompagnée dans les moments difficiles et que d’autres aides me soient proposées avant l’analgésie.
Pour la naissance et l’immédiat après-naissance :
j’aimerais pouvoir attendre mon réflexe de poussée et respirer librement, tant qu’il y a progression ;
je souhaite pouvoir choisir sur le moment ma position pour l’expulsion, si possible en évitant absolument d’être sur le dos et pieds dans les étriers, et qu’on nous aide le cas échéant afin que mon conjoint puisse être tant un soutien physique efficace que partie prenante de ce moment ;
je ne veux pas d’épisiotomie, une éventuelle déchirure me paraît plus facile à vivre par la suite aussi bien physiquement que psychologiquement, si elle est minime et qu’on peut se passer de recoudre ce serait encore mieux ;
je voudrais qu’on patiente au maximum pour respecter une délivrance naturelle si tout va bien ;
nous voulons que notre enfant soit placé en peau à peau avec sa maman (ou son papa si la situation l’impose) immédiatement et durant tout le temps de surveillance post-natale ;
nous refusons tout soin non nécessaire et que ceux qui le sont soient faits le plus tard possible, en conservant au maximum le peau à peau ou un contact parental, et après que nous aurons donné notre accord (merci de nous donner les explications nécessaires pour un choix éclairé) – si un prélèvement gastrique est jugé nécessaire, il ne sera pas effectué avant au moins la première tétée, avec notre accord et en contact avec l’un de nous.
Pour l’allaitement :
je voudrais effectuer seule les premières mises au sein, quitte à être un peu maladroite, sans être observée, et n’obtenir une aide respectueuse et douce que si j’en éprouve le besoin ;
je souhaite que rien d’autre que mon lait ne soit donné à mon enfant sans mon accord préalable, et surtout pas par le biais d’une tétine (ceci concerne aussi les vitamines D et K1 dont nous souhaitons nous passer)
En ce qui concerne les suites de couches, nous avons choisi de faire un retour précoce à domicile dès que nous nous en sentirons prêts (éventuellement quelques heures après la naissance). Il a été convenu avec la sage-femme qui suit ma grossesse qu’elle viendrait à domicile dès notre retour.
Si un séjour en maternité était finalement choisi (personnellement ou sur conseils ou indications médicales que nous aurions approuvés), nous souhaitons que soit favorisée la proximité maman-bébé, à toute heure, (pas de séparation sous aucun prétexte si elle ne nous a pas été expliquée et que nous ne l’avons acceptée) et le moins possible d’intervenants différents à entrer dans la chambre.
Pour conclure, nous tenons évidemment à rappeler que nous en remettons pas en question les compétences médicales de l’équipe mais que nous voyons la grossesse et la naissance comme des événements physiologiques et que nous tenons tant que possible à les vivre comme tels, que nous souhaitons être des partenaires dans ce moment que nous allons partager au sein de votre structure et que nous ne vivrons qu’une seule fois pour et avec cet enfant.
Et si les choses devaient se dérouler moins physiologiquement, nous aimerions rester dans cette confiance mutuelle et recevoir autant d’informations que possible dans le temps disponible pour pouvoir donner notre consentement éclairé aux éventuelles interventions.
Bien entendu, nous sommes ouverts à la discussion pour expliquer tous les points précédemment abordés. _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février
Dernière édition par Tiphaine le Lun 06 Déc 2010, 10 : 55; édité 1 fois |
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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 08 : 53 Sujet du message: |
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Episode 2 : la répétition générale
Samedi, une semaine avant le terme... Toute fin d'après-midi, mon homme est reparti faire un tour à une fête de famille à quelques kilomètres de là, et ça commence à contracter. Enfin, je crois... Il faut dire que je ne suis pas très sûre de moi et que je crains de me tromper, étant donné que je n'ai pas pu avoir de contractions naturelles pour ma première dont la naissance a été déclenchée par perf...
Mais là, je sens que ça bouge vraiment, bien que ça reste tout à fait supportable (se pencher en avant, respirer...). J'offre une session dvd à la grande qui aurait voulu que je joue avec elle, mais je ne peux pas rester assise et j'ai envie de me centrer un peu si des fois c'était vraiment pour aujourd'hui.
Et pour me me sentir plus sûre, j'appelle l'amie sage-femme qui m'a proposé sa présence pour ce week-end où celle qui m'a suivie n'est pas là. Elle me pose un tas de questions auxquelles j'ai l'impression de ne pas pouvoir répondre (depuis combien de temps, à peu près ce qui sépare chaque contraction, ai-je faim, et d'autres que j'ai oubliées...) et, du coup, je me sens encore moins sûre qu'avant. Elle l'entend bien et me propose de la rappeler une demi-heure plus tard pour voir où j'en suis. Je raccroche et fonds en larmes, genre « je ne suis même pas capable de savoir si je suis en travail ou pas... ». Mais bon, j'efface tout ça très vite, mon homme rentre et c'est plus facile avec sa compagnie.
La demi-heure passe, ça contracte un peu plus j'ai l'impression. Je rappelle Christiane qui, à entendre mon essoufflement, pense que c'est effectivement démarré et propose qu'on se rejoigne à la clinique, à moins que nous souhaitions encore rester à la maison. Je suis très partagée, entre mon souhait d'être le plus libre possible (donc c'est mieux à la maison) et la très grande envie de savoir où j'en suis avec la confirmation « professionnelle » (ben oui, à ce moment je manque cruellement de confiance en moi) et puis aussi de sentir la présence chaleureuse de Christiane.
Nous optons pour un départ sans précipitation, mais un départ quand même. Le temps d'appeler les marraines de l'aînée qu'on doit retrouver à la mater, de remplir une bouillotte bienfaisante, de préparer une infu en thermos pour accompagner les biscuits prévus (hors de question que l'on m'empêche de boire ou manger si le besoin s'en fait sentir), de récupérer mon coussin d'allaitement dans la chambre, de reprendre une douche, mon homme remplit la voiture, y installe sa fille presque aînée, met l'alèse bébé sur le siège avant au cas où la poche des eaux rompe en chemin et m'accompagne jusqu'à ce trône de princesse .
Le trajet me paraît très très supportable, ça m'étonne un peu, mais vu le temps (plus d'une demi-heure), ce n'est pas négligeable. La bouillotte que j'ai installée dans le bas de mon dos m'aide à passer les 50 km.
Nous arrivons, les marraines sont là, je suis encore capable de m'occuper du transvasement du siège-auto (eh ben, c'est cool le début du travail...). Une fois l'aînée entre de bonnes mains, nous retrouvons Christiane au bloc.
Nous échangeons un peu sur mon état et puis je souhaite connaître le nombre de centimètres (a priori ce n'était pas ce que je souhaitais être ma première préoccupation en arrivant, mais...). 2, ouf, on n'est pas venu pour rien, me dis-je, même si je suis un peu embêtée d'être finalement arrivée « trop » tôt. Enfin, je vais pouvoir profiter du ballon et des quelques « exercices » proposés par Christiane pour faire avancer les choses sur un chemin physiologique. Un petit coup de monitoring où on voit de belles montagnes et de belles vallées. Nous discutons pas mal, et Christiane nous quitte de temps en temps pour donner un coup de main à ses collègues qui ont pas mal de boulot et pas franchement physiologique apparemment...
Je passe quelques contractions assise sur le ballon en faisant rouler mon bassin, et en respirant calmement, je rentre dans une bulle où me parviennent assourdies des bribes de conversation entre Christiane et François-Xavier. C'est un moment plutôt agréable, même si j'ai l'impression que les contractions se renforcent. Nous sommes allés faire un tour de pâté de maisons aussi... Et puis comme ce n'est que le début, mon homme s'allonge un peu histoire de prendre du repos avant la suite...
Il s'endort même.
Et moi, dans la pénombre de la salle de naissance (ça fait quand même drôle de retourner là dans des conditions bien différentes), je marche en rond, je profite du boulot, je suis un peu énervée comme avant un noël de petite fille, je ne peux pas m'endormir même si Christiane me le conseille et m'installe confortablement avec le coussin d'allaitement et des oreillers que nous avons apportés aussi...
Le temps passe...
Et puis je commence à me demander... je sens moins les contractions et même j'en sens moins tout court. J'en parle à Christiane qui propose des points d'acupuncture aux mains et aux pieds où elle appuie un moment. J'ai l'impression que ça ne change rien. On monitore encore un petit coup, et ça confirme noir sur blanc ce que je ressens, les contractions sont irrégulières et d'intensité bien moindre... Christiane pense que le travail est suspendu et ne sait quand il peut reprendre (au petit matin ? dans la journée de dimanche ? peut-être seulement lundi ?) Je suis un peu déçue et je ne parviens pas à me décider à quitter les lieux ni Christiane et l'apaisement qu'elle me procure.
Mon homme réveillé et moi repartons faire un tour pour en discuter à deux (« et peut-être relancer la machine ? espère une petite voix dans ma tête). J'ai quelques larmes de frustration (la petite fille n'a pas eu son noël...) et aussi de « dé-confiance en moi »... moi qui craignais tellement sur cette fin de grossesse de ne pas reconnaître le début du travail puisque pour l'aînée je n'avais eu aucune contraction naturelle que je puisse percevoir.
J'en ai encore en travers de la gorge quand je dis à Christiane que je suis désolée de l'avoir fait venir pour rien. Elle me coupe brusquement d'un « Ah non, pas de ça ! », j'ai encore envie de pleurer, et puis elle rajoute : « Elle est bien cette petite, elle t'a permis de ressentir des choses en douceur, et elle arrivera quand elle sera prête. On en rediscutera plus tard ! ». Et c'est un peu moins lourd...
Nous remballons donc toutes les affaires (on avait même un petit appareil pour écouter des disques choisis pour l'occasion) et partons retrouver l'aînée qui dort chez ses marraines. C'est le tout petit matin, il est 3 heures, je crois...
Et puis dans la matinée, toujours rien, alors nous rentrons à la maison. _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février
Dernière édition par Tiphaine le Lun 31 Oct 2011, 12 : 58; édité 3 fois |
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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 08 : 55 Sujet du message: |
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Episode 3 : dernier acte et commencement
Je marronne presque toute la journée, je guette le moindre mouvement dans mon ventre et finit par proposer une balade à la mer en famille pour détendre tout ça. Nous allons marcher à St Lunaire, je mets les pieds dans l'eau, je respire l'air et ça fait du bien.
Lundi matin, toujours rien. Oh, j'ai bien par-ci par-là quelques contractions, mais elles restent très Braxton... de simples contractions de fin de grossesse... Mon homme part au boulot. Je passe de nouveau une journée très « marronnage »...
Mardi matin, toujours rien. Là, j'ai retrouvé un peu d'allant, c'est l'anniversaire de mon chéri, si ça se trouve, je n'accoucherai pas avant le terme qui est pour samedi (elle est bien capable d'attendre jusque là, cette petite coquine !), donc passons la journée à autre chose qu'à attendre. Il fait très beau et très chaud. Expédition courses d'anniversaire avec l'aînée, puis on fait ensemble le gâteau après sa sieste. Nous fêtons ça à trois, il doit être 20h30 quand mon homme souffle ses bougies.
On se couche pas trop tard, comme d'habitude. Il doit être 22h. Je me sens bizarre du côté du bidon, mais j'ai seulement l'impression que recommencent quelques soucis digestifs que j'avais eus dans le dernier mois. Et puis non, réflexion faite, ça contracte à un autre niveau, je me relève, je respire profondément, je m'accroupis ou me penche, c'est selon, pendant que ça travaille. Car là oui, je crois bien que c'est parti et sur un autre rythme que trois jours avant ! A 22h45, je vais réveiller mon homme qui a du mal à émerger de son premier wagon. Je lui demande de préparer les affaires (enfin, les quelques unes qu'on avait sorties du coffre). J'appelle Nathalie, ma sage-femme, ouf elle ne dormait pas encore, je lui dit que je crois que c'est bon et suis obligée de poser le téléphone pour passer une contraction. Nous convenons sans plus discuter de nous retrouver d'ici une petite heure à la maternité. J'appelle aussi les marraines en soufflant un : « C'est Tiphaine, on remet ça. D'ici une petite heure. » et je raccroche. Je prends une douche en concentrant le jet chaud sur mon ventre régulièrement endolori. On dirait qu'il y a à peine 2 minutes de repos entre chaque contraction. Je sors de la douche, je commence à me sécher et puis non, impossible, je retourne sous l'eau chaude si bienfaisante. Je fais ça au moins trois quatre fois, mon homme s'impatiente dans la salle de bain, voit bien que j'ai du mal à quitter la douche et commence à s'inquiéter (d'ailleurs, moi aussi, je me dis que je ne vais pas réussir à partir). Il m'aide à me sécher en insistant pour qu'on y aille de suite.
Je m'habille avec difficulté pendant qu'il file installer une aînée toute endormie dans la voiture. J'arrive à sortir de la maison mais une contraction me jette à quatre pattes sur les dalles devant l'entrée, je gémis-chante comme depuis un moment pour accompagner la vague, mais c'est fort et je crois que je ne vais pas pouvoir me relever. Je me dis que je vais peut-être accoucher là et finalement, la joue posée sur la dalle à la tiédeur bienfaisante, ça ne m'affole pas plus que ça. Mon homme parvient à me tirer de ma bulle le temps de m'aider à m'asseoir, je boucle une ceinture qui me dérange déjà, et bien que j'ai prévu une serviette roulée en boudin sous mes fesses pour surélever le bassin, le départ est déjà très inconfortable. Il est 23h15.
L'aînée dort à l'arrière, mes contractions vont et viennent, je me penche tant que possible en avant, je continue mon drôle de chant : plus la contraction est forte (j'ai du mal à parler en terme de douleur), plus ma voix va dans les graves, ça m'aide beaucoup. Je vois encore le panneau qui indique la sortie pour Hédé, et Rennes 28 kilomètres, puis je ne vois plus rien. J'ai envoyé baladé la ceinture, je me suis retournée, à genoux sur le siège, la bouche enfoncée dans la mousse du siège auto de ma fille pour étouffer les sons, car je ne chante plus maintenant, je crie. Ou plutôt mon corps crie, je ne contrôle plus rien au niveau sonore et, tant bien que mal, j'essaie de maintenir ledit corps sur ce siège car l'espace restreint commence à me poser des problèmes. Je crois qu'à un moment, j'ai collé ma bouche sur l'épaule de mon homme qui m'a dit « tu peux mordre », j'avais déjà les dents serrées. Évidemment, ce changement de rythme réveille la puce, qui se met à pleurer, ne comprenant pas ce qui m'arrive. J'arrive à lui souffler quelques mots rassurants de temps en temps, son papa complète, mais ses yeux restent interrogateurs et effrayés.
Nous atteignons, je ne sais comment, le parking de la clinique. Je ralentis encore la sortie de voiture en me jetant sur les genoux de mon homme, je gémis, désespérée : « Je vais demander la péri ! ». Il file chercher les marraines qui nous attendent dans le hall. A ce moment-là il est minuit, mais je ne le sais pas et je m'en fous.
J'ai pu sortir de la voiture, mais je suis à quatre pattes à côté de la portière conducteur et je vomis un peu, comme si mon corps faisait de la place – genre je-n'ai-pas-le-temps-de-m'occuper-à-digérer-maintenant. Isabelle attrape notre fillette, Caroline vient gentiment vers moi, mais mon homme l'arrête d'un « Laisse-la. » poli mais sans équivoque qui protège ma bulle, et elle se rabat sur la désinstallation-installation du siège auto. Je crie toujours, très très fort. Isabelle s'est éloignée un peu avec la future grande soeur dans ses bras. J'ai réussi à faire quelques mètres en direction de l'entrée, je suis sur le petit chemin piéton sous les arbres, mais de nouveau à quatre pattes. Une aide-soignante d'un autre service que la mater arrive avec un fauteuil : « Vous venez pour accoucher ? ». Je hoche la tête, je ne pourrai pas monter sur son fauteuil, je le sais déjà. Elle me tapote la nuque alors que je me remets à crier et elle fait « Chchchchhh... », gentiment, certes, mais j'arrive à sortir un instant de ma bulle pour la protéger à mon tour et je lui lance très vertement : « Laissez-moi crier ! ». Elle n'insiste pas.
Nathalie arrive du bloc, accompagnée de deux ou trois personnes, et d'un lit-brancard. Elle me propose doucement de m'aider à me mettre à quatre pattes dessus. Je crois que je m'appuie sur elle pour me relever, puis des deux mains sur le brancard, et là je ne changerai plus de position. Je dis : « Je peux pas, je peux pas... ». Mon homme chargé comme un mulet de toutes mes affaires pose tout en vrac par terre et rejoint la frontière de ma bulle. Il fait bon, il y a une petite brise tiède.
Je suis donc debout mais pliée en deux au niveau du bassin, mon ventre comme en suspension et la tête entre les bras tendus, les mains accrochées au bord du brancard. Je me moque de vomir encore, on est dehors et j'ai autre chose à penser... Je sens que ça pousse dans mon bassin, je ne sais plus si je transmets l'information, mais je suppose que oui. J'entends Nathalie demander à sa collègue si elle peut lui passer des gants, et puis elle me demande si elle peut regarder un peu. Je me retrouve les fesses à l'air, mais je m'en fous toujours. J'entends quelqu'un dire : « Y a du monde au balcon », c'est vrai que j'ai dû déranger la tranquillité du quartier !
Nathalie remonte mon pantalon, elle sait aussi qu'on va rester là jusqu'au bout. Et ça pousse toujours, c'est dans le fond du bassin, du côté du dos, la sensation est très forte. J'entends des mots d'encouragement amoureux, mon homme est tout près mais je ne vois plus rien, plus personne. Nathalie pose une main sur mon sacrum pour m'aider, mais ce contact me semble très douloureux, elle me laisse donc. Mes jambes se tendent et se fléchissent toutes seules. Je monte sur la pointe des pieds parfois.
Mon pantalon est trempé, mais je n'ai pas senti la rupture, à cause de la température du liquide peut-être, et des autres sensations surtout. Et puis, peu de temps après, je sens qu'elle arrive, ma deuxième fille : « Elle arrive, elle arrive... ». Je suis essoufflée, je crie encore peut-être, les souvenirs sont assez flous. Je sens vraiment la tête toute proche. On redescend mon pantalon. Je sens qu'elle descend encore, ça me brûle, ça tire trop fort alors j'essaie de la retenir encore un peu, de la faire aller plus lentement pour que les tissus s'habituent (je dis ça maintenant mais sur le moment j'ai fait ça sans réfléchir). Et puis une poussée, peut-être du son, je ne sais plus, et voilà qu'apparaît le crâne de ma fille entre mes jambes : « Elle est là, ça y est, elle est là... ». Je peux la toucher. Je n'en peux plus, je laisse tomber, j'ai fait mon boulot. Mes jambes me lâchent un peu, je les sens trembler sous mon corps.
Mais Nathalie me rappelle à l'ordre, il faut pousser encore, il faut qu'elle sorte en entier cette petite quand même ! Je n'ai plus de force, je n'y arrive pas. J'essaie mais je n'y arrive pas. Ce moment d'entre deux est très bizarre... Mon homme s'inquiète un peu. Et puis finalement je pousse et elle glisse hors de moi. Des mains l'attrapent, j'apprendrai plus tard qu'il y a celles de son papa, et me la donnent dans les bras. Je ne pleure pas mais je hoquette de bonheur. Ça y est, ça y est, c'est fini, j'ai mon bébé contre moi. Il est minuit 27, DeuZe est là, et elle aura un jour d'anniversaire différent de celui de son papa.
Je relève alors la tête, et je reconnais la deuxième sage-femme qui était avec nous, Sandy, que nous avions rencontrée à la consultation du 9e mois et qui avait beaucoup apprécié notre démarche de projet. « Ah, bonjour! » je dis avec un grand sourire, de façon un peu incongrue mais très spontanée.
Nous allons enfin rentrer au bloc, juste un peu plus tard que prévu. Mon homme doit farfouiller dans le sac pour trouver une serviette pour m'éviter le contact avec le plastique du brancard – je l'ai teinte en rouge il y a quelques jours. On m'aide à grimper dessus, je ne lâche pas mon bébé, et roulez jeunesse jusque dans une drôle de salle du bloc (celle des césariennes ?) où nous allons passer les deux prochaines heures.
Je ne sais plus à quel moment mon homme a coupé le cordon (qui avait sûrement eu le temps de finir sa pulsation) ni quand on s'est occupé du placenta, je sais juste que là franchement je n'avais plus du tout envie de ressentir des contractions même si elles sont minimes par rapport aux précédentes, ni de pousser. Mais il a bien fallu faire un effort. Je demande à voir la petite maison placenta, Nathalie me montre les deux côtés (côté maman, côté bébé) et la poche. Ça m'impressionne moins que celui de la première, mais là c'est la deuxième fois... Nathalie me dit que j'ai une toute petite déchirure, qu'elle peut faire un point si je le souhaite ou qu'on peut laisser comme ça. Je refuse cette couture-là, vu mon vécu périnéal précédent.
Je me sens plutôt bien, Bébée est contre ma poitrine, je la laisse renifler, embisouiller mon sein gauche avant de la voir avec plaisir trouver la façon de faire pour téter un peu. Elle est belle, bien ronde et toute « finie », un peu de cheveux et des yeux tout fermés avec un pli sur le nez qui les rejoint. Mon homme ne dit pas grand chose, prend deux photos, découvre sa fille et va faire un petit tour dehors (besoin d'air ?).
Au bout des quasi deux heures, Nathalie qui a pris régulièrement de nos nouvelles revient et propose la pesée. Nous attendons le retour rapide du papa pour que ce soit lui qui lave sa cadette de son premier méconium (et elle en a mis partout) au liniment maison et qui la pose sur la balance.
3,970. Dire que j'avais exprès acheté des pyjamas naissance pour habiller le plus petit modèle que l'échographe avait prédit (comme quoi, faut pas croire...) ! Elle fait déjà presque craquer les coutures.
Nous montons ensuite dans une chambre (j'aurais voulu y aller à pied, mais une chute de tension me fait opter pour un fauteuil). Une auxiliaire qui est venue donner un coup de main fait une drôle de tête quand nous annonçons que ce sont les sacs qui iront dans le berceau et que la bébée reste dans mes bras. On s'en fiche, on sait ce qu'on veut. Mon homme repars dormir un petit bout de nuit près de notre première fille.
Je resterai une dizaine d'heures dans la chambre, je vous passe les détails des perceuses dès le petit déjeuner, de la pédiatre qui croit pouvoir décider de ma durée de séjour, des charmants sourires qui voudrait faire le ménage auxquels je propose de ne le faire qu'une fois, quand nous seront parties... Je repars vers midi avec ma nouvelle puce dans l'écharpe que je lui ai cousue et peinte, en chaussettes car mes sandales de la veille sont impraticables vu ce qu'elles ont reçu, avec mon homme et ma fille maintenant aînée qui a presque aussitôt qu'elle l'a vue demander sa petite soeur dans les bras (après quand même une minuscule tétée pour retrouver sa maman). Je suis aux anges, j'ai vécu un accouchement idéal si j'ose dire !
PS : la grande a demandé à son papa en arrivant à la maternité si j'allais encore crier. Il lui a dit que c'était fini, que le bébé était arrivé. Elle a répondu : « Moi quand j'aura un bébé, je vais crier aussi. ». C'est vrai que c'est un moment qui a été perturbant pour elle, mais elle en a beaucoup reparlé et nous lui avons répondu de la façon la plus rassurante possible. _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février
Dernière édition par Tiphaine le Lun 31 Oct 2011, 13 : 03; édité 1 fois |
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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 08 : 56 Sujet du message: |
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Bon, j'ai fait long, désolée, j'ai du mal à faire plus court. Mon homme a relu, ça l'a remué, mais il n'a pas souhaité rajouter son point de vue, il dit que c'est mon vécu, c'est moi qui raconte... _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février |
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Sélénie

Inscrit le: 03 Oct 2005 Messages: 74 Localisation: Messac (35)
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 12 : 10 Sujet du message: |
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Merci merci Tiphaine, c'était vraiment beau de te lire, j'en suis encore toute retournée... Zélie a vraiment eu une naissance magique! _________________ Céline, maman de Margaux (18 mai 2004) et de Madenn (19 juin 2006) |
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flore5
Inscrit le: 23 Aoû 2006 Messages: 12 Localisation: parthenay
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 12 : 40 Sujet du message: sagesse |
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Superbe. J'ai encore 2 mois 1/2 à attendre. Si je copie ton projet de naissance, tu ne m'attaques pas pour plaggiat ?
Bises _________________ Moi, 37 ans, mon homme, 41 ans, notre bébé1 est prévu pour le 4/1/2007 d'après gynéco. |
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Amandine

Inscrit le: 07 Fév 2005 Messages: 3036 Localisation: Rennes
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 13 : 22 Sujet du message: |
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merci beaucoup de nous avoir fait partager ce récit Tiphaine, c'était vraiment une belle naissance! _________________ Amandine, maman de P1 10 ans, P2 8 ans, P3 6 ans , et P4 1 an! |
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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 13 : 26 Sujet du message: |
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Bien sûr que non ! Il est là pour ça... mais je te conseille quand même de le réécrire à votre sauce, ça aide à bien savoir ce qu'on veut et puis nous y avons mis des choses personnelles suite au premier accouchement que nous n'aurions pas trouvées indispensables sans cette expérience, donc à vous de jouer ! _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février |
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Lèn

Inscrit le: 21 Juin 2005 Messages: 2473 Localisation: Vendel
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 13 : 56 Sujet du message: |
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Merci Tiphaine pour ton récit.
Que c'est beau une naissance comme ça!!
Je trouve même que les récits d'accouchement, c'est toujours trop court!
Il en fera un, de texte sur son vécu et sa vision de l'accouchement François-Xavier?
qu'il mettra à la suite du tien ou dans l'espace spécial homme!
Allez ste plait steplait?
De grosses bises à toute la famille!
Lèna |
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Fabienne
Inscrit le: 12 Fév 2005 Messages: 144 Localisation: Ercé près liffré
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 16 : 03 Sujet du message: |
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Bravo et merci de partager ce moment unique tout plein d'émotions. J'en suis toute émue , une bien belle venue au monde.
bises
Fabienne _________________ Fabienne, maman d' Adèle (14/10/2004) et Juliette (11/09/2006) |
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Valérie

Inscrit le: 13 Mai 2005 Messages: 888 Localisation: saint-gilles
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 16 : 20 Sujet du message: |
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Félicitations !!! Merci d'avoir partagé votre si belle histoire et bienvenue à cette toute petite mignonette...  _________________ Valérie, maman d'Isaac (17/02/2001) de Briac (20/08/2005) et de Théo-Tim (20/09/2007) |
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lou-anne'mum
Inscrit le: 27 Juin 2006 Messages: 160 Localisation: Mordelles
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Posté le: Mar 10 Oct 2006, 16 : 45 Sujet du message: |
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Wahou c'est vraiment superbe!
Merci de nous avoir fait partager ce moment... |
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Pascale

Inscrit le: 20 Avr 2006 Messages: 1246 Localisation: Rennes
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Posté le: Mer 11 Oct 2006, 09 : 02 Sujet du message: |
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Merci Tiphaine, c'est un récit magnifique. Tu as su défendre ta bulle et on sent avec émotion combien c'est important pour la maman, le bébé et ceux qui les entourent (enfin ceux qui savent ce qu'est une belle naissance). Félicitations et bienvenue petite Zélie ! _________________ Pascale, maman de Samuel, 3 ans |
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Tiphaine

Inscrit le: 14 Fév 2005 Messages: 4793 Localisation: Tinténiac
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Posté le: Mer 11 Oct 2006, 12 : 48 Sujet du message: |
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Oublié, l'épisode 4 que m'a raconté Nathalie, ma sage-femme, récemment : à 5 minutes près, les gendarmes assistaient à la naissance ! (enfin, ça m'aurait peut-être pas fait rire sur le coup). Quelqu'un les avait appelés croyant qu'une agression avait lieu sur le parking de la clinique... J'ai dû crier vraiment fort !!!  _________________ Tiphaine, maman de Lune, Zétoile, Astroboy et en route pour la voie lactée en février |
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